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Traduire, est – ce trahir ?

Apres avoir triomphé face à l’impérialisme grec [1], une question demeure : notre affrontement est-il achevé ? Nous nous devons de répondre par la négative semble-t-il car de suite après les festivités de Hanouka, en pénétrant dans le mois de Tevet nous nous remémorons cette journée douloureuse que représente le 10 de ce mois. Ainsi nous jeûnons en invoquant la Miséricorde Divine tout en évoquant quelques épisodes importants de notre Histoire que nos Maitres ont rattaché à ce jour : le décès de Ezra, le début du Siège de Jérusalem par les Babyloniens, la Traduction de la Torah en grec (appelée communément la Septante) et plus récemment le Souvenir de nos aïeux décimés durant la Shoah, le jour du “Kaddish Haklali”, pour ces frères qui hélas n’ont même pas eu le droit à une sépulture !

Attardons-nous un moment sur le drame éventuel que représente la traduction de la Torah. Tout d’abord pour quelle raison serait fixé un jeûne pour une “simple” histoire de traduction ? D’autre part comment peut-on réparer cette ignominie si cela en est une ?

En scrutant par exemple, la traduction en français des deux syntagmes “שפה” et “לשון”, nous pouvons voir que divers dictionnaires nous proposent “langue” (parfois “langage”) pour les deux mots. Cela met en relief notre problématique car nous trouvons dans toutes les civilisations, d’un côté une langue comme système ordonné sous forme de lettres (parfois de mots comme tel est le cas dans certains dialectes extrême-orientaux) afin d’exprimer un mot ou un concept et d’un autre côté une manière d’exprimer ces concepts influencés par des éléments culturels et cultuels. La “שפה” est le système de signes écrits ou oraux alors que le “לשון” est la manière de l’exprimer. On peut connaître excessivement bien une langue sans en déceler ses subtilités. La Tradition hébraïque est en profond décalage avec ces paramètres. A titre anecdotique, on remarquera combien il est difficile de lire un mot hébraïque dans les rues d’Israël, à cause de l’absence de vocalisation, si on ne le connaît pas au préalable. Les implications dans l’exégèse traditionnelle n’en sont que plus marquées.  Cette Parole du Créateur, transmise à notre Maitre Moïse et retranscrite par lui, induit un postulat délicat mais si précieux, l’Absolu s’inscrivant dans la Lettre Hébraïque. Comme il est enseigné au moment du Don de la Torah, il faut voir dans le premier mot des Dix Paroles, Anochi les initiales de “Je (Dieu) Me Suis Donné [par le biais de la Torah]” (אנא נפשי כתבית יהבית, Chabat 105a).

La relation entre le “signifiant” et le “signifié” demeure arbitraire en linguistique mais au grand désarroi de Benveniste et Saussure sans doute, cela semble différent dans l’expression de la Torah. La langue hébraïque véhiculant l’expression de la Sainteté porte en elle le sceau divin et entretient par là-même un lien intime entre le mot et la manière d’exprimer ce qu’il révèle. Aussi, traduire la Torah dans une autre langue (même en grec malgré la noblesse de cette langue pour formuler des concepts) représente-t-il un terrible danger pour la transmission exacte de la Parole Divine. On ne sera pas surpris si Rachi dans son commentaire traduisait certains mots en ‘לע”ז’lachon avoda zara“, langue idolâtre (l’ancien français en l’occurrence) afin, non seulement de se faire comprendre car l’hébreu n’était plus à ce moment-là, et on peut s’en désoler, la langue sociale comprise par une grande partie de notre Peuple, mais aussi pour mettre en garde son lecteur, qui influencé mentalement et culturellement par une civilisation étrangère, peut arriver à une lecture erronée.  On comprend mieux alors la raison pour laquelle la Septante a été vécue comme un drame au cœur de notre Peuple : elle trahissait l’authenticité hébraïque. Ce n’est que l’illustration d’un souhait cher aux nations à vouloir distinguer notre identité intrinsèque et la manière de l’exprimer. Une telle tentative (vaine) de vouloir couper notre Peuple de ses valeurs nationales et cultuelles ne pouvait pas laisser insensible notre Génération qui retrouve Sa Terre et Sa Langue mais le danger n’est pas écarté. Et, déjà, en 1926, Gershom Sholem dans une lettre écrite à Franz Rosenzweig, mettait en garde face à la sécularisation de l’hébreu : “il existe un autre danger, bien plus inquiétant que la nation arabe, et qui est une conséquence nécessaire de l’entreprise sioniste… “l’actualisation” de la langue hébraïque… il est impossible de vider leur charge de mots bourrés de sens, à moins d’y sacrifier la langue elle-même” [2]. C’est sur le chemin du Retour sur Notre Terre, que nous, Juifs, devons apprendre à nous réapproprier la valeur de notre langue hébraïque, tout en la pratiquant au quotidien, avec prudence, être conscient de sa valeur, très prochainement retrouver la dimension prophétique qui en découle, et ainsi redevenir pleinement Hébreu.

[1] Près de 200 ans avant la Destruction du 2e Temple [2] Cité dans l’Aventure du Langage, B. Gross p.209

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