L’exégèse traditionnelle a souvent mis en évidence le lien étroit qui unit le comportement pieux à la morale. Elle pourrait d’ailleurs s’en enorgueillir sachant qu’aucune des spiritualités existantes n’ait envisagé l’idée que l’homme pieux, celui qui se présenterait devant la divinité, lui incomberait par là-même l’exigence d’une conduite morale sinon irréprochable, au moins responsable.
A l’approche de Rosh Hachana, le 1er Tichri, cette solennelle célébration où nous invoquons deux évènements exceptionnels qui marqueront à jamais la destinée de l’humanité : “l’accouchement” de l’Homme (le sens littéral de “yom herat olam”) d’une part et le jour d’Investiture du Roi des rois, renouvelé chaque année d’autre part.
Aussi, il nous a paru, à juste titre en cette période de l’année, indispensable de se remémorer au nom de quoi et à quelles ambitions notre monde doit aspirer afin de pouvoir atteindre le Salut et la sérénité tant souhaités par le Créateur.
Lorsque nous nous tournons vers Lui, avec l’espoir d’être jugé comme fils et non comme esclave, il nous incombe tout d’abord de Le reconnaitre comme Père. Il est indubitable que le regard du père est sans aucun doute plus doux, plus agréable et plus enclin à la miséricorde que celui du maitre à l’égard de son esclave. La Créature Humaine, à la différence des autres créatures, fut de prima bord façonnée de manière imparfaite en vue d’être la digne et authentique partenaire de Dieu, au moment où elle relèvera avec succès, les nombreux défis qui se présenteront à elle. Cependant l’inexorable peccabilité de l’homme implique la nécessité irréfutable de cette miséricorde, cette patience qui permettra, très bientôt, au projet divin d’atteindre son objectif.
Mais le sens du projet se doit d’englober tout notre Être. En effet il ne serait point envisageable de négliger l’une des forces qui nous anime puisque le cas échéant, cela amènerait, à considérer, qu’à Dieu ne plaise, qu’une partie de nous serait inutile et sans fondement. D’ailleurs dans une époque reculée, certains tentèrent de supprimer certains membres et autres articulations à cause d’un jugement hâtif et d’une terrible incompréhension quant à leur rôle dans l’organisme humain, ce qui engrangea des préjudices et des disfonctionnements tragiques sur les autres parties du corps.
Cette même idée doit être aussi entendu dans l’essence même de la destinée humaine. Imaginer que le comportement moral vis-à-vis de son prochain serait souhaitable mais nullement corrélatif du devoir de piété serait en soi une profanation de Dieu. Il en découle par conséquent que reconnaitre en ce jour solennel que Dieu est Un, c’est reconnaitre que mon comportement vis-à-vis de Lui et mes devoirs envers Autrui sont intimement liés.
La conception du monothéisme hébraïque n’autorise nullement l’alternative d’un altruisme optionnel ou d’une obédience religieuse sélective et revendiquée. La déchéance morale amena hélas à un éloignement de Dieu dramatique comme nous pouvons le voir avec la Génération du Déluge. En outre, comment faire preuve de tolérance, malgré tout, à l’égard de celui montrerait du mépris envers Dieu, envers Ses décrets ou bien qui négligerait un digne comportement à l’égard d’Autrui. On pourrait opter pour une réponse radicale voire extrême mais la réponse à cette épineuse et délicate question est d’un autre ordre. Elle réside en fait dans l’essence même de Roch Hachana.
Ainsi, la tolérance saisie dans sa sémantique hébraïque, “sovlanout” est intimement reliée à la patience, “savlanout“, dont la racine est similaire. La souffrance vécue due à certains de nos égarements subsiste cependant. On ne s’étonnera donc pas si l’évocation de la tolérance/patience implique aussi une proximité étymologique avec la souffrance, “sevel“.
L’effort exigé de chacun de nous au quotidien est la clé de voute de la réussite du projet. Déserter par désespoir ou par laxisme semblerait totalement inapproprié et incongru même si parfois, le danger nous guette, et la tentation peut s’avérer rude au regard de la réalité semée d’embuches… Fort heureusement, la liturgie de Roch Hachana est là, et en réveillant notre sensibilité, nous montre que nos espoirs ne sont pas vains, car chaque année le Roi se dévoile un peu plus, chaque 1er Tichri la dignité humaine se révèle avec plus de vigueur et ce jusqu’à son Salut. Ici, se trouve sans doute le message essentiel de ces jours solennels: nous permettre, ne serait-ce qu’un court instant, de pénétrer un peu plus dans le Monde créé et voulu par Dieu, et, très bientôt, parachevé par la main de l’Homme; à nous de nous y préparer et notre année n’en sera que meilleure et plus douce !
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