Il est souvent admis que les termes de “retour” (sens littéral du mot Teshouva) et de “repentir” témoignent de la volonté de l’homme à réparer ses erreurs : la faute ayant entaché l’harmonie, l’homme se rétracte et entame alors un processus qui le ramènera à la voie juste. Ce processus comprend diverses étapes, à savoir, regretter ses impairs, s’en écarter, en reconnaître la responsabilité devant Dieu pour enfin prendre les décisions qui s’imposent, en vue d’un avenir meilleur. Exposée ainsi, bien qu’exacte, la teshouva ne serait qu’un acte a posteriori où celle-ci apparaitrait nécessaires uniquement comme remède à nos iniquités.
Cependant les propos de nos Sages[1] nous amènent à penser que cette définition demeure insuffisante et qu’il nous faille cerner ce concept de teshouva, dans une dimension plus élevée : “la teshouva a précédé la Création du Monde”, précisent nos Maitres. Aussi la teshouva n’est plus seulement la réparation de nos échecs et de nos erreurs personnelles mais elle véhicule, surtout et avant tout, une force dynamique qui anime la réalité du monde entier.
Le Rav Shimon Sterlitz, élève fidèle du Rav Abraham Itzhak HaCohen Kook, dans un article éloquent, intitulé “Le Retour à la lumière des Enseignements de notre Maître, y décèle, son sens profond, en effet, “il ne s’agit pas seulement, d’une réparation des erreurs du passé, que l’on pourrait qualifier de teshouva restreinte et étroite, mais d’un idéal absolu qui se trouve au cœur même de la réalité. Elle est l’aspiration constante au progrès, bien avant l’évocation du regret chez l’homme qui serait dut à ses fautes commises. Non seulement l’humanité, mais aussi la création toute entière les minéraux, les végétaux autant que les animaux sont interpellés et attaches à ce Retour, la teshouva n’est donc plus un simple coup de tonnerre venant éclairer l’homme au milieu de ses nuits assombries par les fautes, mais en premier lieu la plénitude a laquelle toute la Création aspire et qu’en agissant vigoureusement jusqu’aux profondeurs de son être, animée par un élan vital en perpétuel évolution, elle atteindra”.
Nous pouvons par conséquent remarquer que tout le processus d’évolution incontestable dans l’univers est relié à cet élan vital, qui pousse la réalité à progresser tant physiologiquement que spirituellement.
En revanche, même si chacun y est interpellé, libre à nous d’en être les acteurs. On notera toutefois que cette exigence constante à vouloir mieux saisir la réalité, à souhaiter sans cesse améliorer ses vertus et la condition humaine, le simple fait d’avoir accès à plus de connaissances que dans le passé, cette envie de se surpasser dans tous les domaines, technologiques, agricoles, scientifiques et médicaux, ou bien encore désirer renforcer ses liens avec son prochain, avec sa nation et éprouver un peu plus de confiance en Dieu, de fidélité envers Sa Torah et Ses commandements, tout cela s’inscrit dans le processus de la teshouva.
La teshouva se présente ainsi non seulement après une faute mais en fait à chaque instant. Tout progrès, quel qu’il soit, toute réparation décuplant les forces vitales et améliorant la Création est reliée à la teshouva.
“L’homme parfait est celui dont la vie est totalement engagée à ce Retour” (Traité de Chabbat 153a), celui qui œuvre inlassablement à perfectionner ses vertus et le monde qui l’entoure est le repenti authentique.
“Là où les repentis se tiennent, les Justes ne peuvent s’y trouver” (Traité de Berachot 34b), celui qui est impliqué de manière dynamique dans ce processus est d’une certaine manière plus vénérable qu’un Juste parfait, car le premier se soucie de parfaire le monde quand le second dans sa perfection ne peut le faire évoluer. A la vérité, un autre commentaire, mettra en évidence que la tache du Juste n’est moins rude car il s’occupe à accroitre les bienfaits de la réalité dans ce monde et le suivant.
Il apparait évident, en outre, que la teshuva ne puisse aller de pair avec l’immuabilité, l’idée de se tenir debout sans bouger. Le dynamisme est semble-t-il la clé de voute de ce Retour. “L’obstination à se tenir debout, être toujours aliéné à la même opinion sans l’avoir approfondie, être enfermé dans les filets de la faute, transformée du coup en inclinaison naturelle, être rassuré dans cette routine, au niveau des idées comme des actes, est une maladie reliée a sa terrible servitude, qui ne permet point à la lumière de la liberté et a la lueur de la teshouva de rayonner et d’y briller dans toute leur splendeur. La teshouva aspire en effet à l’expression d’une authentique et véritable liberté, elle ne peut donc tolérer toute sorte de servitude” (Rav Kook, Orot Hateshouva 5, 5)
[1] Tana Debe Eliahou Raba, 31
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