ויבואו בני- ישראל כל העדה מדבר-צו בחדש הראשון וישב העם בקדש ותמת שם מרים ותקבר שם: ולא היה מים לעדה… (במדבר כ,א-ב)
“Les enfants d’Israël, toute la communauté, arrivèrent au désert de Cîn, dans le premier mois, et le peuple s’arrêta à Kadêch. Myriam mourut en ce lieu et y fut ensevelie.”
Le nom de la prophétesse même évoque le début des années les plus amères vécues en Egypte par notre Peuple (Yalkut Shimoni 165)[1]. Malgré toute la douleur éprouvée durant cette période de l’esclavage, Myriam n’hésitera pas une seconde à parler de rédemption, à voir dans la naissance de son frère Moshé (qui naquit d’ailleurs en grande partie grâce à son entêtement à ne jamais renoncer vis-à-vis de ses parents) le Rédempteur qui sauvera notre peuple. Elle préparera même, en amont, confiante, des tambourins au milieu de cette servitude en prévision des réjouissances qu’annonceront prochainement la sortie d’Egypte ! Comme Rashi nous l’indique :
…ותקח מרים אחות אהרן את התוף בידה
“Et Myriam, la sœur d’Aaron, prit le tambour dans sa main…” (Exode 15, 20)
“Confiantes étaient ces femmes Justes envers Ashem, qu’au moment de la Délivrance, Il ferait des miracles et elles se libèreraient du joug égyptien avec des tambourins…”
Nous souhaiterions ajouter, avec admiration et reconnaissance envers notre prophétesse, ces paroles du Ralbag[2] qui commente à son propos (Bamidbar 20, 1) : “Myriam a raffermi le cœur d’Israël grâce à sa sagesse et sa dévotion envers Ashem… Et si elle avait été encore vivante au moment de l’épisode de la pénurie d’eau, jamais notre Peuple n’aurait eu l’audace de s’exprimer ainsi à l’égard de notre Maître Moshé …”
Au regard de la noblesse morale et spirituelle incontestable de Myriam, deux interrogations s’imposent : Pour quelle raison la sœur de Moshé, protagoniste incontournable dans le processus de la Délivrance de notre Peuple, celle dont le mérite permit au peuple d’Israël de pouvoir s’abreuver en eau pendant 40 ans (Taanit 9), ne fut-t-elle pas autorisée à pénétrer en Terre d’Israël ? Et d’autre part, comment expliquer le comportement de cette génération, qui, alors qu’elle, aura le privilège d’y pénétrer, semble agir avec ingratitude, en ne la pleurant pas comme cela sera, pourtant le cas, après le décès d’Aaron (20,29) et celui de Moshé (Devarim 34,8) ?
Efforçons-nous tout d’abord de répondre à la seconde question.
Comme le souligne le Rav Moshé Alsheich[3], lorsque le peuple vint après l’enterrement de Myriam auprès d’Aaron et de Moshé, Aaron se dit : “Heureux soit Israël de s’empresser à venir honorer notre sœur”. Mais Moshé saisit avec perspicacité quelle était leur intention : “S’ils s’étaient approchés de manière ordonnée et respectable en respectant les convenances, les ministres, les juges devant etc. cela aurait été signe qu’effectivement ils viennent rendre hommage avec gratitude à Myriam, mais la confusion de leur attroupement montre qu’ils sont là pour se plaindre uniquement de la pénurie d’eau !”. Quel étrange et surréaliste dialogue mais, en scrutant le midrash, on se rend aisément compte que l’épisode apparaît encore plus douloureux : (Yelkut Shimoni Massei 787) le peuple de prime abord ne prit en aucune façon part à l’enterrement de Myriam, mais Moshé à sa tête et Aaron à ses pieds allèrent, seuls, l’enterrer !
Il est fort probable que la soudaine pénurie d’eau fut le facteur nécessaire pour s’attrister du décès de la prophétesse ! Cela est d’ailleurs l’usage de nos jours encore, lorsqu’un Juste décède, les commerces et autres lieux de distractions ferment afin que notre Peuple se désole et ressente la perte de cet être cher et méritant pour Israël (Torah Shelema 143).
On est en droit de se demander cependant, avec perplexité, comment notre Peuple pouvait penser que de l’eau leur était dispensée en abondance “naturellement” durant leur périple de près de 40 ans dans le désert ! En réalité, vivant dans un contexte miraculeux constant durant toute cette période[4], ils ne furent point impressionnés d’être abreuvés en eau et ne purent même pas imaginermême d’imaginer que ce miracle était dû au mérite de Myriam. La pénurie d’eau leur fit ainsi saisir la grandeur de notre prophétesse et l’immense gratitude que nous nous devons d’avoir à son égard. La Sanctification du Nom d’Ashem n’en ressort que plus grande, ainsi qu’il est enseigné: « chaque bienfaiteur doit donner place au pouvoir de la gratitude de la part du destinataire qui peut ainsi faire sa part, non pas parce que le bienfaiteur le désire mais pour accroître l’expression du Bien général qui résulte de cette expression de gratitude…” (Rav A.I. Kook, Ein Aya Shabbat 1,18).
Concernant la première interrogation, où nous évoquions le fait que Myriam n’eut pas le privilège de pénétrer en Terre d’Israël, on aurait pu croire que cela était dû à la faute des explorateurs. Cependant, comme le rappelle le Rashar Hirsch[5] sur la Torah, “Dans le long périple riche en épreuves difficiles, les femmes n’ont pas été complices des fautes envers Ashem, commises par désespoir et manque de confiance envers Lui. Avec exaltation et confiance, elles priaient et se tournaient vers Ashem avec dévotion, c’est pourquoi le décret de mourir dans le désert [durant ces 40 ans] n’inclut point les femmes” (Midrash Rabba, Bamadbar 21, 11), “Par conséquent toutes les épouses, toutes les mères et toutes les grands-mères, avec la nouvelle génération, montèrent toutes en Israël.” Toutes, sauf Myriam !!
Bien que le terrible décret ne l’impliquât donc point, elle sera malgré tout ensevelie dans le désert.
Pour en établir correctement la raison, il nous faut comprendre qu’en pénétrant sur notre Terre, le Peuple devra affronter des difficultés, faire face à des obstacles, surmonter des défis liés à la construction de notre nation dans divers domaines, culturels, économiques etc. Aussi, la manière de diriger notre Peuple dans le Sinaï, lorsque celui-ci avait besoin de l’apparition de miracles, pertinente dans le désert, s’avère caduque lorsqu’il s’agit de partir à la conquête de notre Patrie. La Nation d’Israël aura besoin de faire preuve de maturité en assumant ses responsabilités ! ainsi, tout comme le commente le Natsiv de Volozhin[6], « Une nouvelle direction s’annonce désormais, et différente de celle du désert » (Haemek Devar, ibid.).
En fin de compte, afin de mettre en relief l’Unité divine, le lien essentiel qui relie le “Ciel” et la “Terre”, il était impératif d’accéder à cette maturité en ne bénissant plus “le pain qui vient du Ciel”, avant de consommer la Manne, comme cela était le cas dans le désert mais en honorant “le pain qui sort de la terre” en rentrant sur la Terre d’Israël.
Il aurait donc été inapproprié que Myriam pénètrât en Terre d’Israël, non pas à cause d’une quelconque faute mais au contraire, du fait de sa qualité exceptionnelle: à chaque instant où la nation aurait été dans l’obligation de relever un défi, elle aurait été tentée de se tourner vers la prophétesse pour y puiser la solution de facilité ! Cela n’aurait pu être agréé par le Créateur dont le Projet est de Résider au milieu de Son Peuple, considéré comme “Partenaire” car “Fils aîné”
Que Dieu nous éclaire à ne jamais manquer d’une infinie reconnaissance d’avoir eu le privilège, en notre Génération, d’assister au Retour du Peuple dans notre Patrie et que nous puissions redoubler toujours d’efforts dans notre volonté d’œuvrer en faveur de notre peuple et de notre Terre en invoquant Son Nom.
[1] La racine du nom “Myriam” est rattachée à la “Merirout” – l’Amertume
[2] Rabbi Levi ben Gershom ou Gersonide (1288, Bagnols-sur-Cèze – 20 avril 1344)
[3] Rav Moshé Alsheich (1508–1593, Safed)
[4] Cette Nouvelle Génération n’a pas vécu la Sortie d’Egypte puisqu’elle naquit dans le Désert du Sinaï
[5]R’ Samson Raphaël Hirsch, un rabbin allemand (1808 – 1888)
[6] Rav Naftali Zvi Yehuda Berlin (1816 – 1893), à la tête de la Yechiva de Volozhin
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