Dans la Haftara de cette semaine on peut y lire,
וַתֹּאמֶר צִיּוֹן עֲזָבַנִי ה’ וַאדֹ–נָי שְׁכֵחָנִי: הֲתִשְׁכַּח אִשָּׁה עוּלָהּ מֵרַחֵם בֶּן בִּטְנָהּ גַּם אֵלֶּה תִשְׁכַּחְנָה וְאָנֹכִי לֹא אֶשְׁכָּחֵךְ: (ישעיה מט, יד-טו)
Sion (métonymie du Peuple) déclara : “L’Eternel m’a délaissée, le Seigneur m’a oubliée.”Est-ce qu’une femme peut oublier son nourrisson, ne plus aimer le fruit de ses entrailles ? Fût-elle capable d’oublier ceux-ci, moi je ne t’oublie point !
Comme le développe le Maharal de Prague (Gvurot Ashem, 47), l’évènement primordial qui constitue à lui-seul les fondements même de l’identité hébraïque est la Sortie d’Egypte. En effet chaque jour, chaque shabbat et chaque fête, nous en évoquons le souvenir. Cet épisode a son importance car on y découvre à l’échelle du peuple, la providence et l’intervention de Dieu dans l’Histoire.
Au cours de l’histoire de l’humanité, des réalités quotidiennes, des désastres au niveau mondial peuvent remettre en cause ce postulat, ou au moins représenter une embûche a cette aspiration. La question délicate mais cruciale est aussitôt posée : Dieu émet – Il encore un quelconque intérêt à Sa Création ?
Depuis Adam, le premier Homme et ce jusqu’à l’apparition de notre patriarche Abraham, il apparaissait clair aux yeux de tous, que notre monde avait été façonné par un Créateur, et par là-même animé d’une finalité à atteindre.
A l’époque d’Enoch, l’humanité se fourvoya en prenant conseil auprès d’érudits malintentionnés, qui observant la grandeur de l’univers, par émerveillement pour les luminaires célestes et en s’émouvant de leur propre longévité, finit par négliger l’idée vénérable que le monde ait un sens. (Lois sur l’idolâtrie, Rambam, 1, 1-2). L’humanité cependant en quête de réponse va vainement se constituer une “religion naturelle”, dénuée de sens mais apportant un bien-être provisoire.
Le retournement s’opère grâce à Abraham qui re-nouvelle cette vision que Dieu s’ingère dans l’Histoire, et cela, malgré les complexités apparentes dues à l’annonce des promesses suscitées par cette expérience prophétique [(“Je te fais père d’une multitude de nations” (Berechit 17,5), “comme Il l’a juré à tes ancêtres, et te donne la région entière qu’Il a déclaré octroyer à tes pères” (Deut. 19, 8)].
L’accomplissement de ces promesses se révèle pour la première fois au moment de la Sortie d’Egypte. Mais l’éloignement temporel de l’élément, des exigences morales intégrées partiellement éveillent le doute parmi nos aïeux alors qu’ils ont vécu pleinement l’intervention de Dieu, ce projet pourra-t-il réellement être finalement couronnée de succès. Les propos du prophète Isaïe mettent en relief cette problématique, “Et Sion dit : “L’Eternel m’a délaissée, le Seigneur m’a oubliée.” Si l’erreur parait presque inévitable, le risque de l’échec serait donc scellé. Si Dieu n’oublie rien, Il ne renoncera point à nos fautes et à nos iniquités non plus (Berachot 32b). A l’inverse si les fautes sont abrogées, les mérites le seront sans doute aussi. Mais voici qu’après le drame de la destruction de notre Temple, quelle consolation exceptionnelle, Dieu se présente à nous comme pouvant éradiquer nos erreurs sans pour autant remettre en cause nos mérites : “Ceux-ci (Elé) seront également oubliés, et Je (Anochi) ne vous oublierai pas” (Esaïe 40 :15).
La faute du veau d’or fut introduite par “ceux-ci sont votre Dieu, Israël …” (Exode 32, 8) et la révélation au Mont Sinaï par “Je suis le Seigneur votre Dieu …” (Exode 20′ 2). “Ceux-ci seront aussi oubliés”, est l’acte du veau d’or, “et Je ne t’oublierai pas.” C’est la révélation au Mont Sinaï (Berachot, ibid.)
La confiance en la Providence, capable d’annuler nos erreurs, est le triomphe de l’optimisme. L’optimisme qui accompagne la fidélité indéfectible de Dieu à travers l’histoire de notre Peuple, malgré nos écueils parfois, en est la preuve.
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