La Prière comme Expression d’Humilité
La tradition juive enseigne que la prière authentique naît de l’humilité face à Ashem, en témoigne la supplique de Moshé, notre Maitre :
וָאֶתְחַנַּ֖ן אֶל־ה’ בָּעֵ֥ת הַהִ֖וא …
“Je suppliai Ashem en ce temps-là” (Devarim 3, 23),
L’usage du terme “va-ethanan” évoque une demande humble et gratuite.
Il existe en réalité comme l’indique le Midrash (Devarim Rabba Paracha 2,1), dix expressions différentes pour évoquer la “prière” mais Moshe a préféré se tourner vers Ashem a l’aide de supplications (“tahanunim”). Rabbi Yohanan nous enseigne à partir de cela, une leçon fondamentale :
אתה למד שאין לבריה כלום אצל בוראו שהרי משה רבן של כל הנביאים לא בא אלא בלשון תחנונים.
“D’ici tu apprends qu’aucune créature n’a de droits devant son Créateur, car Moïse, le maître de tous les prophètes, n’est venu qu’avec le langage des supplications.”
Cette approche révèle que même les plus grands guides spirituels reconnaissent leur statut devant Dieu. Le Midrash Sifri (Bamidbar 134) renforce cette idée en évoquant que notre Maitre, malgré sa sagesse et sa grandeur, ne renonce à aucun moment à invoquer la miséricorde divine tout en connaissant le décret ne lui permettant pas de pénétrer en Terre d’Israël. Ceci doit nous amener, nous-même, à plus forte raison à persévérer dans la valeur que nous nous devons de porter à la liturgie hébraïque
Quelle valeur donner à l’Action ?
Il est indubitable cependant que la prière seule n’est pas suffisante, elle doit s’accompagner d’actions justes. Un principe général d’action éthique est établi comme nous pouvons le voir à travers l’injonction présente dans notre Parasha:
וְעָשִׂיתָ הַיָּשָׁר וְהַטּוֹב בְּעֵינֵי ה
“Tu feras ce qui est droit et bon aux yeux de l’Éternel” (Devarim 6,18)
Le Ramban (Nahmanide) souligne que cette prescription englobe toutes les situations non explicitement mentionnées dans la Torah. Après avoir énuméré des commandements spécifiques concernant les relations interpersonnelles – ne pas médire, ne pas se venger, ne pas rester indifférent au danger d’autrui – la Torah formule un principe général : agir avec bonté et droiture en toutes circonstances.
Cette approche reconnaît l’impossibilité d’énumérer tous les cas particuliers de la vie sociale et économique, tout en établissant un cadre éthique universel pour l’action humaine.
La Responsabilité Collective et notre Influence
La dimension sociale de la responsabilité trouve son expression dans l’enseignement talmudique :
כל מי שאפשר למחות לאנשי ביתו ולא מיחה – נתפס על אנשי ביתו, באנשי עירו – נתפס על אנשי עירו, בכל העולם כולו – נתפס על כל העולם כולו.
“Quiconque peut protester contre les membres de sa maison et ne le fait pas, est pris à partie pour les membres de sa maison ; contre les habitants de sa ville – il est pris à partie pour les habitants de sa ville ; contre le monde entier – il est pris à partie pour le monde entier”(Shabbat 54b).
Le commentaire du Rav A.I. HaCohen Kook (Ein Ayah Chabat 2, 14 p.25-26) développe une philosophie profonde concernant les zones d’influences et le devoir de responsabilité. Chaque individu possède des capacités spécifiques destinées à corriger certains défauts ou à apporter certains bienfaits. Lorsque ces capacités ne sont pas actualisées, elles deviennent destructrices plutôt que constructives.
Les Trois Niveaux d’Influence
Trois sphères d’influence correspondent à trois types de capacités :
1. L’influence naturelle : basée sur les liens familiaux naturels, permettant d’agir sur “les membres de sa maison”
2. L’influence émotionnelle : utilisant les sentiments partagés et les habitudes communes pour agir sur “les habitants de sa ville”
3. L’influence intellectuelle : la plus élevée, permettant d’agir sur “le monde entier” grâce à une capacité de leadership universel
La Dynamique de la Responsabilité
Selon cette vision, l’univers est régi selon un système où chaque force a sa raison d’être, y compris les forces apparemment négatives. Ces dernières trouvent leur justification dans leur capacité à stimuler et révéler les forces positives. Cependant, quand la justice ne s’exerce pas pour canaliser et limiter les tendances destructrices, l’équilibre se rompt.
Nous observons là un principe fondamental : celui qui possède le pouvoir d’agir positivement mais ne l’utilise pas devient complice du mal qui en résulte. Cette responsabilité s’étend proportionnellement à la portée de son influence potentielle.
Une Éthique de l’Engagement
Cette approche traditionnelle juive présente une vision intégrée de la vie spirituelle et éthique où :
– La prière cultive l’humilité et la reconnaissance de notre dépendance inconditionnelle a Ashem
– L’action juste concrétise nos valeurs dans le monde réel
– L’influence responsable étend notre obligation éthique selon nos capacités
En conclusion le judaïsme évite aussi bien le piétisme passif que l’activisme purement séculier, proposant une voie où contemplation et action, spiritualité et engagement social, se complètent mutuellement dans une démarche où se révèle l’expression de Sainteté inhérente a la Création
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