Dans le Traité des Pères (6, 9), Rabbi Yossé ben Kisma nous enseigne : « Une fois que je me trouvais en chemin, un homme m’aborda et me salua, et je lui rendis son salut. Il me dit : “Maître, de quel endroit es-tu ?” Je lui répondis : “D’une grande ville de sages et de scribes.” Il me dit : “Maître, si tu acceptais de demeurer auprès de nous, en notre endroit, je te donnerais mille milliers de dinars d’or.” Je lui répondis : “Quand bien même tu me donnerais tout l’argent, l’or, les pierres précieuses et les perles du monde, je ne demeurerais que dans un lieu de Torah.”
Et ainsi est-il écrit dans le Livre des Psaumes par David (Tehilim 119):
טוֹב לִי תוֹרַת פִּיךָ מֵאַלְפֵי זָהָב וָכָסֶף
« L’enseignement de Ta bouche m’est plus précieux qu’une abondance d’or et d’argent. »

Et ce, d’autant plus qu’au moment où l’individu quitte ce monde, ce ne sont ni l’argent, ni l’or, ni les pierres précieuses, ni les perles qui l’accompagnent, mais seulement la Torah et les bonnes actions, car il est dit (Mishlei 6) : « Dans ta marche, elle [la Torah] te guidera, lorsque tu reposeras, elle veillera sur toi, et à ton réveil, elle sera ton discours. » Dans ta marche, elle te guidera : dans ce monde – ci ; lorsque tu reposeras, elle veillera sur toi : dans le tombeau ; à ton réveil, elle sera ton discours : dans le Monde Futur. Et il est dit : « C’est à Moi qu’appartient l’argent, c’est à Moi qu’appartient l’or dit Hashem Tsevaot » (Hagai 2).
On peut s’interroger sur la nécessité du Rabbi Yossé à ramener des versets afin de démontrer la justesse de son propos. En effet, puisqu’il insiste déjà sur le fait qu’il ne soit pas intéressé à résider dans un endroit dénué de Torah, pour quelles raisons a-t-il besoin de citer ce verset des Tehilim pour renforcer son propos, d’autant plus concernant la grandeur et la valeur inestimable de la Torah, a priori connue de tous.
Avant d’essayer d’en saisir la raison, un premier postulat s’impose. Les habitudes quotidiennes sont une force particulièrement perceptible et tenace chez l’homme. Aussi, la plupart des gens émettent-ils des craintes face au changement, même si ces mutations s’avèrent parfois utiles et bénéfiques. Dans les réalités de ce monde, nous pouvons observer combien l’humanité se complait dans la routine quotidienne, tout en sachant que les aspirations au monde futur sont nettement plus élevées et enrichissantes. Mais la peur de la mort et l’amertume de certaines épreuves que l’homme traverse l’encouragent à accepter son sort et même à se résigner à souffrir.
Beaucoup d’entre nous seront par conséquent admiratifs devant ceux qui ont acquis les deux facettes de la Création, à la fois la richesse spirituelle proposée par la Torah mais aussi la richesse matérielle. Il semble qu’aux yeux de beaucoup, ce soit la recette de l’équilibre serein : connaître les valeurs de la Torah tout en étant conscients des problématiques et des défis à relever dans ce monde. Ils seront considérés comme des exemples, comme des guides exceptionnels. A l’inverse, des Maîtres en Torah, aussi grands soient-ils, mais démunis de ce confort matériel ou même d’intérêt pour les prouesses économiques et technologiques du Pays, n’auront sans doute point le “privilège” d’accéder à la célébrité !
Un érudit mais pauvre qui encouragerait ses élèves à se détourner des affaires de ce monde pour acquérir les valeurs inestimables de la Torah n’éveillerait probablement pas la sympathie de ses compatriotes.
C’est précisément ce que Rabbi Yossé souhaitait mettre en évidence, en nous enseignant cette mishna : même s’il lui était offert sur un plateau d’argent tout l’or du monde, cela n’aurait, en aucune manière, une quelconque influence sur ses aspirations essentielles. Il souhaite exprimer par cela, la vertu inéluctable de la Torah. Toute cette richesse ne détournera ni son regard, ni sa volonté de servir Ashem et de se prosterner devant Lui.
On ne sera point surpris désormais de l’évocation du Roi David, le chantre d’Israël, dans notre mishna.

Qui mieux que lui, riche, fort, puissant et adulé de tous aurait pu être tenté de détourner son regard de l’éclairante et absolue Vérité !
L’une des principales conditions pour recevoir pleinement la Torah ne se résume pas à étudier toute cette nuit de Chavouot. Mais l’apport bénéfique que nous procure cette nuit festive doit nous encourager et nous renforcer dans l’étude quotidienne tout au long de l’année. C’est en prenant conscience de ce précepte que nous saurons apprécier à sa juste valeur la grandeur de cette parole divine transmise à travers les générations par nos Maîtres. Plus ce désir sera intense et plus nous aurons le privilège de l’enseigner, le préserver et agir selon Sa Volonté !
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